Quelle antenne pour la coupe du REF ?

Patrick Destrem – F6IRF

 

Seconde partie : une approche plus fouillée

La première partie m’ayant mis l’eau à la bouche, il me fallait aller un peu plus loin, en particulier envisager d’autres antennes. La encore on se cantonne au 40 et 80m, les modes de propagation « spéciaux » nécessaires sur les bandes supérieures n’étant pas pris en charge par VOACAP  (expérimentalement on sait qu’une yagi a grand gain, ou mieux un stack vertical donneront le meilleur sur ces bandes dès lors qu’il s’agit de back-scatter – on pourrait considérer le cas particulier du MS, mode de propagation utilisable sur 28Mhz, mais celui-ci reste un mode de propagation extrêmement marginal vu le peu d’activité sur ces bandes aux heures les plus favorables pour ce mode; sans parler de la difficulté opératoire !).

 

Quel angle de rayonnement vertical ?

L’angle optimum pour une liaison donnée varie sensiblement en fonction de paramètres multiples tels que l’heure, la fréquence, la direction, le niveau d’activité solaire, etc

Les graphes suivants résument ces variations, pour une liaison a 300kms E/W (par ex. Bourges/Nantes) avec des conditions de propagation moyennes (SSN=50). Si on ne considère que les heures ou la liaison est la plus probable (en raison de l’activité sur les bandes), soit entre  9h et 16h UTC  pour le 40m et entre17h et 9h pour le 80m, la variation est toutefois modérée, disons autour de 58degrés +/-2 pour le 40m et autour de 63 degrés +/-5 pour le 80m.  

 

Compte tenu des diagrammes verticaux de nos antennes amateurs on peu considérer que les deux graphes ci-dessous donnent une bonne approximation de l’angle optimum pour une distance donnée de 0 a 1000kms. Il est intéressant de noter que pour une liaison a 500kms l’angle vertical est d’environ 40degrés sur 40m, et plutôt vers 50degrés sur 80m.

 

 

 

Ceci pris en compte, la question à se poser est : Pour quelle distance vais-je optimiser mes antennes ? Tout dépend bien sûr de l’endroit où l’on se trouve, la situation étant radicalement différente si l’on est  à Bourges ou à Ajaccio.

De Bourges, si l’on trace un cercle de 400kms  autour de la station, il y aura peu de stations Françaises continentales en dehors, évidemment vu d’Ajaccio, le même cercle ne couvre qu’une minorité des départements continentaux. On est donc obligé d’envisager différemment ces 2 cas extrêmes.

 

 

 

 

Figure 8 Gain et angle de radiation vertical d'un dipôle 40m en V-Inversé pour différentes hauteurs au dessus d'un sol moyen.  Le tableau ci-dessous donne le rappport  «front-to-side » pour ces mêmes antennes en fonction de l’angle vertical. (simulations NEC2 –NEC2 for MMANA de UA3AVR- utilisant le modèle Sommerfeld/Norton FINITE GROUND.  SOMMERFELD SOLUTION. RELATIVE DIELECTRIC CONST.= 13.000 CONDUCTIVITY= 5.000E-03 MHOS/METER).  A noter a que la remontée du signal sur le dipôle le plus haut, aux angles élevés est dû au second lobe apparaissant sur l’antenne pour une hauteur supérieure à  une ½ onde.

height

Gmax(dBi)

Gmax ang

G45deg

F/S45

G60deg

F/S60

G75

F/S75

5m

 

2.5

90

0.3

2

1.6

1

2.3

0.5

10m

 

5

85

3.7

3

4.5

1.5

4.8

0.5

15m

 

5.3

46

5.3

4.5

5

2

4.4

1.5

20m

 

6.4

32

5.4

6

2.8

3

-0.2

1

25m

 

7.5

26

3.2

9

-6.1

2

-3.9

0.5

 

On peut déduire des graphes ci-dessus, que pour une station occupant une position centrale, la hauteur optimale pour un dipôle 40m est entre 10 et 15m (angle de 60 degrés, correspondant à une distance d’environ 300kms). Pour une station jouissant d’une situation plus excentrée on préfèrera entre 15 et 20m. On voit aussi qu’à un angle de 60degrés ou plus la directivité du dipôle n’est pas un gros problème, mais qu’on perd un minimum de 3dB, même aux distances les plus courtes, avec un dipôle trop bas (<1/4 d’onde.)

Note : J’ai préféré utiliser NEC2 et le modèle « Sommerfeld-Norton), l’algorithme Mininec (utilisé par exemple par MMANA) donnant des résultats exagérément optimistes pour les antennes horizontales proches du sol.

  

Qu’en est t’il d’autres antennes ?

 

Dipôle Horizontal ou V-inversé

Jusqu’à présent je n’ai considéré que des dipôles en V-inversé avec un angle au centre de 120 degrés, essentiellement pour des raisons de simplicité mécanique (ils ne nécessitent qu’un seul support central, supportant le câble coaxial). Si l’on peut monter un dipôle horizontal, le gain à espérer dans la direction la plus favorable est de l’ordre de 0.75dB (par ex 5.88 dBi à 60 degrés au lieu de 5.11 pour une hauteur de 11m sur la bande 40m). La directivité est légèrement plus marquée (par ex 6dB F/S à 45 degrés d’élévation pour une hauteur de 15m).    

 

Une  « Levy de 2x27m »

- J’ai d’abord envisagé une antenne de type levy de 2x27m (dite « extended double-zep »). Montée en V-inversé  à 15m, elle peut donner quelques 2dB de Gain (@ el=60 degrès) par rapport au dipôle, mais présente pour cette utilisation l’inconvénient de devenir trop directive (moins de 30degrés à -3dB avec un rapport latéral de l’ordre de 15dB). Sur la bande 40m, on peut atteindre 8.5dBi à 60 degrés avec cette antenne montée horizontalement à 11m, mais au prix d’un rapport latéral atteignant les 20dB.La nécessité de disposer de 2 supports espacés de 54m ne la rend pas accessible à tous… Sans compter qu’il faudrait disposer d’au moins 2, voire 3 antennes pour couvrir toutes les directions même si l’on jouit d’une position légèrement excentrée…

Figure 9: extended "double-zep" en V-inversé, avec le centre à 15m.

Les delta-loop

- La delta-loop horizontale a fait couler pas mal de salive sur l’air il y a quelques années. Voici ce qu’il en est. D’abord dans sa version 42m de périmètre, puis dans sa version 83m (tous les diagrammes horizontaux sont donnés à 60 degrés d’élévation)

Figure 10 Delta-loop de 42m horizontale à 15m.  A 60degrés, d'élévation gain et directivité sont sensiblement les mêmes que ceux d’un dipôle en V-inversé.

 

Figure 11 Delta-loop horizontale de 83m à 10m. A 60degrés d’élévation le Gain dans la direction opposée à l’attaque est d'environ 1.3dB par rapport au dipôle en V-inversé à 15m.  Assez intéressant si l’on considère que la hauteur requise est moindre que pour un dipôle (pour un angle vertical identique) et que l’antenne offre un large diagramme vertical (25 à 80 degrés à -3dB). L’antenne est également utilisable sur 80m avec un gain de 4.73dBi à 60 degrés, soit environ 1dB de moins qu’un dipôle à 20m.

 

Figure 12 La même antenne que ci-dessus sur la bande 80m, à la même hauteur de 10m (diagramme horizontal à 60 degrés d’élévation). Le gain pour une loop carrée est supérieur d'environ 0.25dB. Quelque-soit la forme, sur 80m le gain aux angles elevés passe par un maximum pour une hauteur d'environ 15m (sol moyen - la hauteur optimum diminue légèrement avec une meilleure qualité de sol). Pour la delta à 15m au dessus du sol moyen, le gain est d'environ 6.9dBi au zénith, et de 6.7 a 75 degrés - A ces angles l'antenne est quasi-omni à 0.5dB près. Pour plus de détails consulter l'article de W4RNL sur les "cloud burner" (référence en bas de page).

Je passe rapidement sur la delta-loop orientée verticalement qui n’offre d’intérêt que polarisée verticalement (ce qui en fait une excellente antenne DX), mais offre peu d’intérêt, dans le contexte CDR si elle est polarisée horizontalement (avec la base a 5m, elle offre un gain inférieur à un simple dipôle, mais demande une hauteur de support bien plus importante).

Figure 13 Delta verticale polarisée horizontalement (base à 5m du sol)

Les antennes multi-élements

Nombreux sont les accrocs de la CDR qui se sont posés la question, y’a t’il un intérêt à utiliser une yagi-verticale (pointant vers le zénith). Voila quelques tentatives de réponse…

Figure 14.  Un moxon « zenithal » avec la base a 5m

Figure 15 Un moxon « zenithal » avec la base à 8m

Figure 16 Moxon avec la base à 10m.  Dans tous les cas de figure, le gain reste inférieur à celui de la delta-loop, et  à peine supérieur  supérieur à celui d'un simple dipôle... 

Par rapport a une delta-loop ou un simple dipôle en V-inversé, on voit que le concept n’est guère intéressant compte tenu de la complexité supplémentaire. On obtient sensiblement les mêmes résultats avec une yagi zénithale composée de 2 dipoles (driven+ref ou driven+dir).

En revanche le Moxon horizontal offre sans aucun doute une solution intéressante pour les stations les plus excentrées  (à noter, qu’en dehors du rapport A/R on peut obtenir des résultats très voisins avec une yagi composée de 2 dipôles en V-inversé, aérien plus facile à mettre en oeuvre…)

Figure 17 Moxon à 10m

Figure 18 Moxon à 15m

 

En guise de conclusion.

Comme souvent il n’y a  pas d’antenne miracle ! Normal si l’on considère, que le « gain » d’une antenne n’est dû qu’à la concentration de l’énergie rayonnée dans une direction, ou sous un angle vertical particulier.  Si l’on écarte, les antennes en polarisation verticale (peu adaptées à cet usage) et les antennes trop directives, toutes les antennes étudiées ici (à l'exception de la delta verticale)ont des gains similaires, soit environ 6dBi à +/- 1dB (une épaisseur d’aiguille sur le S-mètre) pour peu que leur hauteur soit optimisée pour les angles verticaux recherchés. Pour être rigoureux il aurait également fallu considérer l'influence de la qualité du sol (toutes les antennes ci-dessus on été considérées pour un sol "moyen"), mais je vous renvoie pour cela à l'article de W4RNL (voir note de bas de page)

Si l’on ne veut qu’une seule antenne,  la delta-loop horizontale de 83m offre une solution multi-bande attrayante, bien plus simple à attaquer qu’une « Levy » de 2x20m (l’attaque se faisant en basse impédance sur les 2 bandes), mais sur 40m ce n’est déjà plus une antenne omnidirectionnelle (-5dB à  AZ -135 degrés).  Si l’on veut une antenne « quasi omni » simple et efficace le dipôle en V-inversé reste une valeur sûre… 

Il est clair que la stratégie antenne dépend aussi de l’endroit ou on se trouve. Au centre de la France on aura intérêt à favoriser  un diagramme le plus omnidirectionnel possible avec un angle vertical  de l’ordre de 50 à 60 degrés. Si l’on jouit d’une position plus excentrée, on aura tout intérêt à opter pour des antennes plus hautes, voire des antennes résolument directives. Ceci dit, cela est surtout valable à l émission, le fait d’utiliser une antenne « quasi isotrope » (en tous cas aux angles qui nous intéressent) a le grave inconvénient d’augmenter notablement le niveau de QRM généré par les autres concurrents (le problème majeur en SSB sur 40m), dans l’idéal il faudrait donc pouvoir disposer d’antennes de réception directives commutables… mais c’est un autre sujet, d'autant plus complexe que les antennes de réception que nous connaissons (beverage, K9AY, EWE, etc…) ne sont pas forcémment adaptées pour cette utilisation (elles favorisent les angles bas sur l'horizon).

Bon – a plus !-  j’ai du boulot ; il faut que j’aille remplacer ma verticale !

Patrick

 

 

NB: Pour peaufiner le sujet "cloud-burner" on peut consulter l' article de W4RNL http://www.cebik.com/wire/cb.html

 

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