Quelle antenne pour la coupe du REF ?

Patrick Destrem – F6IRF

 

3ème partie : d’autres éléments de réponse

 

En guise de préambule à la troisième partie.

Les 2 premières parties de cet article m’ayant valu un abondant courrier (merci à tous !), voici quelques tentatives de réponse aux questions et remarques. Je tiens à préciser « tentatives » car VOACAP, tout comme NEC2 ne sont que des modèles informatiques, certes assez fiables, mais qui ne prétendent pas fournir la vérité unique et absolue. VOACAP en particulier quand il s’agit de MUF a ses limites…  A courte distance, le mode 1F2 est considéré dans une large majorité de cas. Ceci dit, ce n’est probablement pas le seul mode de propagation possible. D’autre part la détermination de la MUF par un modèle informatique tel que VOACAP ne donne que des tendances statistiques. Encore une fois rien ne remplace le test en vraie grandeur, c’est à dire sur l’air, le jour du concours !

Certains m’ont fait remarquer que la vraie différence se faisait non pas sur 40 et 80 mais sur les bandes hautes : c’est vrai, a fortiori en période de propagation chancelante, mais j’ai voulu me cantonner à des antennes accessibles à tout un chacun (pour peu qu’on dispose d’un minimum de terrain), et comme précisé ultérieurement, les modes de propagation, tels le « backscatter » qui permettent une bonne part des liaisons à courte distance sur les bandes les plus hautes, ne sont pas pris en charge par VOACAP. En outre, la performance des aériens aux angles les plus bas sur l’horizon est un sujet qui a déjà été largement étudié dans la littérature. 

L’emplacement de la station joue lui aussi un rôle primordial. Il est évident qu’en période de propagation minimum, les stations les plus excentrées (par ex. TK) ont un avantage certain, en tous cas sur 40m (et probablement aussi sur 20m).

La configuration « locale » (le terrain) joue aussi un rôle. Tous les diagrammes générés en utilisant le modèle Sommerfeld-Norton assument un terrain plat et dégagé…  la réalité locale peut être tout autre… 

Enfin, la différence au score final ne se fait pas uniquement sur les antennes et la puissance, mais aussi sur la qualité des opérateurs et sur la stratégie (être sur la bonne bande au bon moment ! (*)).  On peut également ajouter que désormais  les résultats des stations « mono-op » passent aussi par des techniques opératoires, tel le SO2R (**).  Mais revenons aux antennes…

Figure 1 Illustration du propos; sur un trajet N/S à 300kms (Bourges/Amiens), fin Février. La probabilité de liaison sur 40m ne dépasse guère les 8% avec un SSN=0 (avec 100w et un dipôle de chaque côté).

Figure 2 Avec les mêmes paramètres que la fig1, mais un SSN=30 elle passe a plus de 60%.  On pourrait s’amuser indéfiniment en changeant antenne, puissance, direction du trajet,  etc…,  mais le propos  est juste de souligner que VOACAP ne donne qu’une probabilité statistique… Le paramètre « required reliability » est particulièrement important quand on étudie un trajet particulier.

(*) Etre sur la bonne bande au bon moment, voila en quoi consiste une bonne partie de la stratégie. Si il faut tenir compte de critère objectifs, telle l’ouverture des bandes, il faut aussi tenir compte de critères moins scientifiques: par exemple, il ne sert à rien de passer du temps sur une bande même largement ouverte, si 95% des autres participants sont sur une autre !  Par exemple qui a un minimum d’expérience dans ce concours, sait qu’il vaut mieux éviter de passer trop de temps sur 15 et 10 le samedi, une majorité de concurrents ne « montant » sur ces bandes que lorsqu’ils ont épuisé les ressources des bandes plus basses… Mais pardon, je m écarte du sujet !

(**) A ce propos, on peut relire / réécouter  sur mon blog

http://f6irf.blogspot.com/2006/02/f6irf-few-details-about-my-so2r-setup.html

http://f6irf.blogspot.com/2006/01/f6irf-ref-cw-so2r-demo-audio-clip.html

 

A titre de référence.

 

Voici pour commencer, et afin de fixer une échelle de comparaison, ce qui est probablement la beam commerciale 40m la plus répandue : la Cushcraft 40-2CD.

 

Figure 3  la simulation utilise un modèle de l'antenne réalisé avec grand soin.  L'antenne est placée à 10, 15, 20 et 25m au dessus d’un sol "moyen" (plat  et dégagé !). Le diagramme horizontal est donné pour le gain maximum (indiqué dans le tableau). Si l’on regarde le diagramme vertical, on voit que l’antenne à 25m rend environ 15dB aux 2 antennes les plus basses  pour  un angle vertical de 55 degrés. On peut noter au passage que pour les angles verticaux qui nous intéressent le gain maximum de la 40-2CD est de l’ordre de 7 à 8dBi.

On voit sur la figure 3 que l’utilisation d’une antenne trop haute, peut avoir des conséquences non négligeables en termes de résultats. En se reportant au tableau de la partie 2, donnant l’angle en fonction de la distance on voit qu’à un angle de 55 degrés correspond une distance d’environ 350kms (a mi-journée), distance qui par ces temps de vaches maigres a toutes les chances de se trouver en limite de la MUF (voir figure 2 de la partie 2), d’où des petits niveaux de signaux. Bref, dans le brouhaha d’une partie SSB, et même si on suppose que l’antenne est tournée dans la bonne direction, on a toutes les chances de manquer une bonne partie des départements se trouvant à cette distance; Cela est d’autant plus vrai que l’antenne couvre un angle horizontal de 90 degrés (à -3dB) et que les 15dB peuvent très bien se transformer en 20 à 30 pour les stations situées en dehors du lobe horizontal  principal. Ce qui tend à confirmer le vieil adage « le mieux est l’ennemi du bien ».

 

Quelques suggestions d’antennes directives filaires simples mais efficaces

 

On pourra lire ou relire sur le blog des descriptions de yagi filaires utilisant 2 dipôles en V-inversé, ne nécessitant donc que 2 supports. J’avais monté la première au QRA pour l’ARRL-DX CW 2006, et devant les résultats assez probants, l’idée fut exportée à CN2WW pour l’ARRL-DX CW 2007 pour les bandes 40 et 80, ce qui nous a permis de terminer 3ème monde en M/S (derrière 2 stations Sud-américaines) et 1er Afrique avec un nouveau record continental à la clé. Pour une utilisation coupe du REF une hauteur de 10m devrait donner d’assez bon résultats sur 40, et une hauteur d’environ 15m devrait donner des résultats pas trop mauvais sur 80.

http://f6irf.blogspot.com/2006/02/low-cost-2-elements-for-40m.html

http://f6irf.blogspot.com/2007/02/cn2ww-80m-wire-beam.html

Toutefois il faut souligner 2 problèmes :

-Sur 80m la bande passante est très réduite (environ 20kHz à 1.5) ce qui la rend difficilement utilisable en SSB (ou il faudra compter sur pas mal de chance pour trouver une fréquence libre dans la bande passante de l’antenne).

-Sur les deux bandes l’angle d’ouverture horizontal à -3dB est de l’ordre de 80 à 90 degrés, ce qui pour une majorité de stations n’est pas suffisant pour une antenne fixe.

 

Restons sur 40m pour le moment. J'ai déjà mentionné le "moxon", que W4RNL (toujours lui!) a décrit sous toutes les coutures, je vous renvoie donc à ses pages. Voici une antenne simple, aux performances très similaires, dont j’ai trouvé le  modèle dans les démos fournies avec MMANA. Elle porte le nom de « jungle-job » et  ne manque pas d’intérêt, tant par la simplicité de réalisation que par ses performances (c’est une sorte de « spiderbeam » 2 éléments). Je me suis contenté de la redimensionner pour le 40m.

Figure 4 Jungle-job 40m. Le modèle  réalisé en fil nu de 2mm de diamètre exhibe les dimensions suivantes: dipôle 19.70m, réflecteur 20.87m, angle au centre du réflecteur 100 degrés, espacement  8.24m.

Figure 5 diagrammes comparés de la 40-2CD et de la Jungle-job pour une hauteur de 10m. L’antenne offrant un diagramme horizontal de 100 degrés (à -3dB),. Quiconque dispose d’une situation suffisament excentrée peut envisager de la monter en fixe sur 3 mats de 10m.

C’est a coup sûr une excellente antenne, par exemple pour une station située dans la région de Lille, qui voit toutes les stations métropolitaines sous un angle de 100 degrés (Brest 250 deg, Bastia 150 deg). Elle donnera de plus une excellente protection vis-à-vis des stations du Nord de l’Europe (il est bien sûr conseillé d’avoir une seconde antenne, plus «omni», ou rotative  pour faire les multis DXCC, bien rares étant ceux venant du Sud). On peut envisager de la rendre bidirectionnelle, soit en retunant le parasite en tant que directeur, soit en disposant un second réflecteur de même dimension à l’opposé du premier et en detunant  l’un des 2 (par exemple en coupant le parasite avec un relais). Son seul inconvénient est une bande passante relativement réduite, toutefois utilisable (70kHz à 1.5).

Mais tout le monde ne disposant d’une position aussi excentrée que Lille, il est nécessaire d’envisager d’autres antennes.

 

Figure 6: Attention ceci n’est pas une delta-loop! Voici une autre idée d’antenne 40m, de mon cru, pour ceux dont la position moins excentrée que Lille nécéssiterait  un angle horizontal plus large. La hauteur est également de 10m.  Le dipôle mesure 19.45m et les 2 réflecteurs 19.78m … les points d’accrochage demandent un triangle isocèle de 20m de côté et le fil utilisé est du fil nu de 1.6mm de diamètre (qu’on doit pouvoir réduire sans trop d’inconvénient compte tenu de la résistance de rayonnement élevée de l’antenne).

Figure 7: Comme on peut le voir,  la caractéristique la plus intéressante de cette antenne est de disposer d’un angle  d'ouverture horizontal de 160 degrés à -3dB. Elle est optimisée pour  un diagramme A/R optimum, et une impédance de 100ohms (facilement matchable par ¼ d’onde 75 ohms). La bande passante est de plus de 300kHz pour SWR<1.5.

 

Pour les stations jouissant d’une position relativement centrale, on peut envisager d’adapter cette antenne pour la rendre commutable dans 3 directions. Son principal intérêt étant alors de pouvoir déplacer le creux arrière vers une station particulièrement gênante… 

 

Mais revenons aux « cloud-burners »

 

Dans la partie 2 nous avons vu qu’une loop horizontale, placée pas trop haut, constitue une antenne NVIS (*) décente. Dans son article déjà cité en référence W4RNL(**) précise la hauteur optimum en fonction de la qualité du sol. Pour un sol moyen le gain d’une loop carrée, d’une longueur d’onde de périmètre, peut atteindre 7dBi, pour une hauteur de 0.2wl (8m sur 40, 16m sur 80). Pour une loop triangulaire (delta) le gain est d’environ 0.25dB inférieur. Le gain maximum qu’on peut atteindre avec ce genre d’aérien étant d’environ 8dBi, pour une loop carrée à 0.15wl (6m sur 40, 12m sur 80) au dessus d’un excellent sol.

Quel intérêt peut avoir ce genre d’antenne ? En premier lieu d’éliminer les interférences arrivant bas sur l’horizon (les station étrangères), et potentiellement le « man made noise » et tout QRN  de même nature (tel les orages lointains). Accessoirement, en période de faible activité solaire elle peut, sur 40m, faciliter les contacts avec les stations les plus proches, se trouvant en limite de MUF (stations dans la zone des 100 à 300kms).

On peut avec 2 dipôles en phase obtenir une antenne NVIS encore plus performante.

 

(*) Near Vertical Incidence Skywave.

(**) http://www.cebik.com/wire/cb.html

 

 

 

Figure 8: Allez histoire d'égayer cette page avec un peu de couleur !  (software 4NEC2 de Arie). On peut noter le gain à la verticale 9.86 dBi. Les 2 dipôles sont placés à 9m au dessus d’un sol moyen et séparés de 30m. On peut noter les 2 lobes secondaires qui vont à l’encontre du but recherché si celui-ci est d’éliminer complètement les interférences arrivant bas sur l ‘horizon.

Figure 9 La même chose avec un espacement entre dipôles de 20m... Nous avons cette fois un joli ballon  sans ailes !  On a tout de même perdu  presque 1.5dB…

Figure 10 La même chose en 2D. On voit que l’angle d’ouverture est de 60degrés à -3dB (il est supérieur de 4 degrés à 90 degrés en Azimuth). Les stations ou signaux indésirables arrivant avec un angle inférieur à 25 degrés sont atténués de plus de 15dB.

Bien qu’elle puisse être intéressante pour d’autres, cette antenne s’adresse plus particulièrement aux stations occupant une position relativement centrale. Par exemple une station située a Bourges qui voit presque toutes les stations F continentales sous un angle vertical de plus de 50 degrés (correspondant à environ à une distance d’environ 400 kms). Il faudra bien sûr disposer d’une autre antenne pour les stations plus lointaines.  A moins que… on alimente les 2 dipôles en opposition de phase, ce qui en fait du coup une antenne bidirectionnelle… je vous laisse imaginer les applications…

Figure 11 Nos 2 mêmes dipôles espacés de 20m, mais cette fois en opposition de phase. On pourrait aussi s’amuser à les mettre en quadrature (pour obtenir un diagramme unidirectionnel) mais il devient alors extrêmement compliqué de les alimenter. Ceux qui ont une expérience des 4-squares, et autres systèmes à alimentation sophistiquée pourront peut être s’y amuser, mais cela sort du cadre que je me suis fixé pour cet article.  

Si on veut passer de phase / opposition de phase, il faudra se creuser un peu la tête pour adapter cette antenne (la résonance et la résistance de rayonnement variant sensiblement quand on passe d’une config à l’autre). En revanche le diagramme de rayonnement est plus ou moins indépendant de la fréquence ce qui nous donne une première piste quant à des antennes résolument dédiées à la réception.

 

Conclusion  temporaire:

Nous avons vu ici quelques antennes plus performantes que celles envisagées dans la seconde partie. Toutes ces antennes sont bien sûr extrapolables sur 80m, mais les dimensions et les hauteurs requises risquent de devenir quelque peu prohibitives. Il faut aussi prendre en compte les bandes passantes relativement réduites qu’ont les antennes utilisant un réflecteur ou un directeur parasite sur cette bande. Pour le 80m, et si l’on a pas quelques hectares de terrain à disposition, je pense que l’approche la plus judicieuse consiste à utiliser une antenne relativement « omni » à l’émission et des antennes plus directives à la réception. C’est un autre sujet sur lequel je reviendrai dans la 4ème partie…

Good luck in the contest!

 

Patrick

 

PS : Ce ne sont à ce stade que des idées sur le papier, ne manquez pas de me tenir au courant si vous envisagez de tester telle ou telle autre antenne…

 

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